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    Entretien avec la philosophe Athane Adrahane (première partie)

    Thomas Roussot :

    Bonjour Athane, merci de nous accorder cet entretien. Nous avons reçu votre livre La conscience magique comme une claque, un appel urgent à ouvrir à nouveau des pistes initiatiques dans cet occident désenchanté. Pensez-vous que cela soit réellement possible, sachant que le matérialisme réducteur et les médias rétrécisseurs occupent une grande part du terrain culturel ?

     

    Athane Adrahane :

    Oui, je crois que cela soit réellement possible. Notre monde occidental est certes actuellement dominé par une culture du média, de la consommation, de la pensée fast food favorisant l’uniformisation des corps et des pensées. Notre regard se voit constamment orienté dans une seule direction : celle qui favorise le grand marché de la majorité, le grand marché de la croissance. Ces ornières nous font agir dans ce sens, sans nous poser de question, comme si opter pour ce style de vie allait de soi, qu’il n’y avait qu’une seule direction, pas d’autres alternatives. Or ce chemin qu’on nous impose, on a aujourd’hui toute la légitimité de douter de son bien-fondé, car il nous conduit à l’anéantissement croissant de la vie sur  terre (forêt, animaux…) et à plus ou moins long terme à l’extinction de l’humanité. Oui, l’homme est en train d’orchestrer sa propre mise à mort. Cette perspective morbide n’est pas très réjouissante. Elle a de quoi nous faire déchanter. Mais il appartient à chacun de nous de choisir ou non de minimiser sa participation, au mauvais film que l’on nomme « La » réalité, mais qui n’est qu’une construction, à nous d’inventer d’autres perspectives. Il ne s’agit pas de changer le monde, mais déjà d’œuvrer à freiner sa croissance dévastatrice au sein de notre petit microcosme, stopper son impact sur nos consciences, sur nos solitudes, stopper notre déforestation, l’extinction de nos peuples primitifs. Et cela, en inventant toute une série de dispositifs qui activent, qui restaurent, qui ensemencent nos terres, nous faisant toucher à l’essentiel, à la vie dans ce qu’elle a de fragile, d’originel, de magique. Créer, au sens large, un vaste processus de métamorphose permet de déprogrammer toute une série de comportements stéréotypés, injectés en nous, que nous perpétuons de façon inconsciente. La philosophie, l’écriture, la sculpture, le cinéma permettent d’élargir le regard, de bousculer nos perspectives emmurées, de travailler à sa différence, d’expérimenter des chemins et des devenirs autres que ceux qu’on nous vend à longueur de journée. Ce travail est certes immense et relève du parcours du résistant. Mais plus qu’une croyance, j’en vois la tangible réalité, en témoigne la multiplicité des solitudes qui commence à acter de façon convergente pour un monde autre, avec d’autre considération envers les animaux, les végétaux, les femmes, les enfants…

     

    T.R : Au cœur de votre réflexion se trouve la notion de risque, de danger, notamment pour libérer nos énergies face aux carcans sociaux de toutes sortes. Dites-nous en plus sur ce risque.

     

    A.A : Notre culture est devenue une culture uniformisante et ultra-sécuritaire. La culture de la peur régit nos corps. La peur de l’étranger, du noir, de la maladie, de la menace nucléaire, de la solitude, du loup, de la précarité, du changement, de la différence, de la mort, et finalement de la vie…On n’ose plus faire un pas sans flipper de ce qui pourrait nous arriver. Cela favorise le culte du confort et de la consommation. Chacun son gsm, sa voiture, sa clôture. Le prix à payer pour vivre sans danger et en sécurité revient à accepter d’en remettre notre liberté à ceux qui sont chargés de nous protéger. On en revient à cet épisode de Les frères Karamazov de Dostoïevski, où le Grand Inquisiteur nous dit « remettez-nous votre liberté et vous serez en sécurité ».

    Mais la vie est risquée et dangereuse. La vie danse constamment avec la mort. Elle est parsemée d’accidents, de changements subits de directions. Changements heureux et malheureux. Tout cela fait peur et c’est naturel, personne ne vit sans peur. Ce n’est pas la question. La question c’est : quel rapport allons-nous entretenir avec cette peur ? Allons-nous choisir ou non d’affronter sa peur, de la dépasser ? Ne pas les affronter, prendre des boucs émissaires chargés de les incarner à l’extérieur de nous, cela ne les fait pas disparaître pour autant, elles changent juste de forme et de place et finissent souvent par devenir de terribles tyrans qui dirigent toutes nos attitudes, nous dévorent de l’intérieur et pourrissent nos relations. Pour moi, l’art, un certain type d’art, un art qui ne néglige pas d’aborder la vie dans tout ce qu’elle a d’intempestif, est une façon fabuleuse d’affronter ses peurs, d’apprivoiser sa part d’inconnu, sa solitude aussi. Parce que le temps du livre, du film, d’une musique, l’on maintient à notre conscience ce qui séjourne au plus profond de nous et que l’on ose exprimer. Un art du dangereux nous bouscule, nous fait sortir des sentiers battus, voilà pourquoi c’est toujours un peu risqué pour nos habitudes, pour notre confort cérébral. On pourrait s’en trouver différent. Mais c’est tellement libérateur de pouvoir lors d’un concert, décharger par la danse et le cri, tout ce qui nous oppresse dans la vie de tous les jours. Pratiquer la création, c’est pratiquer l’art du funambule qui tisse son fil entre deux abîmes. Son art, qui consiste à danser sur ce fil et à passer là où aucun voyageur n’est encore passé, exige un subtil équilibre entre hardiesse et précaution, audace et vigilance, inconscience et conscience afin que la prise de risque, que suppose toute aventure au sein de l’inconnu, ne tourne en une entreprise d’abolition de ses bio-multiplicités.    

    Entretien paru dans La Salamandre n°7 (http://www.myspace.com/la_salamandre).

     

     

     

     

     

     

     

     

    http://anomaltribu.com/page/conscience3a.htm


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     La psychiatrie est dans son essence potentiellement totalitaire, et ses compromissions avec l’État et ses fidèles alliées Police et Justice sont nombreuses. Je rappelle pour les néophytes que la psychiatrie tout en étant une branche de la médecine, se situe à la marge de celle-ci et ne peut aucunement être considérée comme une science exacte, mais bien plus comme une science humaine, au même titre que la philosophie par exemple, et que ses fondements théoriques sont très largement approximatifs et régulièrement arbitraires. De fait, la connaissance de l’esprit humain est encore fort lacunaire.

     
     

     

    Quand l’on songe que les psychiatres ont le pouvoir d’influer sur une cour de justice (voir l’affaire d’Outreau) et de contribuer à faire condamner ou innocenter des individus sur la foi de diagnostics qui bien souvent se contredisent les uns les autres, cela fait franchement froid dans le dos. Cette discipline possède des bases expérimentales très aléatoires, violentes et subjectives. Comme le disait Michel Foucault, le rôle de la psychiatrie consiste à surveiller, classifier, punir et ramener à la raison (cette dernière étant plutôt celle du capitalisme, de l’utilitarisme et de l’intégration soumise aux normes du régime en place).

    En France, durant la Seconde Guerre mondiale, 40 000 patients sont morts dans les structures psychiatriques parce que négligés et privés de nourriture.

    L’on passera sur les différentes techniques de « soins » à base d’électrochocs et autres joyeusetés qui ne sont rien moins que de la torture légalisée (ces électrochocs se pratiquent encore dans certains cas à notre époque), quant aux psychotropes types antidépresseurs et autres gammes de molécules destinés à réguler les divers troubles psychiques et comportementaux, ils réduisent la plupart du temps les patients à l’état de zombies et ne sont guère curatifs, se contentant d’anesthésier les consciences.

    Mais le plus grave c’est que depuis l’arrivée du système Sarkozy en France, les réformes abondent dans ce secteur, et vont de plus en plus vers un tout répressif totalement aveugle et de nature clairement fascisante. Instrumentalisant des faits divers tragiques impliquant 1 % des malades mentaux, c’est à une véritable psychiatrisation généralisée des différents écarts de conduite à laquelle on assiste, et notamment l’explosion des HO (hospitalisations d’office).

    Un projet de réforme des soins psychiatriques sans consentement a été soumis au Conseil des ministres le 5 mai dernier et devrait être adopté pour la fin 2010. Les internements d’office et mesures de soins imposés parfois à vie seront encore plus facilités par cette réforme. il faut savoir que les HO sont souvent utilisées pour éliminer un tiers (pour motifs divers et variés), un conjoint ou une conjointe dont on veut se débarrasser (avec perte de la garde des enfants) , un vieux embarrassant dont on veut capter l’héritage, le tout avec le soutien d’un médecin complaisantOu bien encore des faits de petite délinquance. Lire à ce sujet "Enfermez-les tous !" aux éditions Robert Laffont.

     

    Bref, un individu épris de liberté ne peut qu’être soucieux devant ces multiples dérives. Sous le régime stalinien, tous les opposants étaient déclarés fous (c’est d’ailleurs un principe pratiqué par tous les régimes autoritaires). Ne l’oublions pas. Les psychiatres travaillent main dans la main avec les Préfets et la Police qui servent l’État.

    Pour en savoir plus sur toutes ses dérives :

    http://www.groupeinfoasiles.org/

    Thomas Roussot

     

    Photo : Valérie Valère, auteur de "Le Pavillon des enfants fous" (Le livre de poche).

     


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    Je sors au bois accompagné d’une fille de 5 ans armée d’une sucette à la fraise. Thermodynamique assortie aux sucreries un beau dimanche. Je lui dis que Carnot le pense : la chaleur est une forme dégradée de l’énergie. Un travail mécanique converti en chaleur. L’entropie marquée par le signe de la bête (S) et sa production d’entropie Tambiant / T

    de l'énergie Q amputée par la décote entropique, à savoir Edd = S . Tambiant = ( Q / T ) engendre une terrifiante dégradation.

     

    Les puissances thermiques débitent la matière et s’ouvrent à l’extériorité. Conservation du quantitatif qui dialogue avec la dégradation du qualitatif. Le tout via l’enthalpie spécifique des constituants. Elle me dit subitement qu’elle veut faire du manège. Une sorte de régime stationnaire permet que la machinerie occidentale se perpétue lui dis-je tout en se dirigeant vers le manège multicolore qu’elle visait dès le départ de la sortie. Tout point nominal a besoin d’énergie et de variations cinétiques, mais elle néglige tout ce verbiage abscons, se contentant de déguster sa sucette et me démontre son inaptitude à la névrose prématurée. Faudrait un bilan exergétique, lui parler de l’écriture inconsciente, des procédés industriels qui exploitent les ressources extérieures et salissent l’air et l’eau des rivières, mais en fait je préfère plonger mes yeux dans les siens.

     

    C’est comme si elle était cette condensation et cette réfrigération universelle à elle seule, me poussant vers l’évoparation du mental sans mot dire. Un petit puits thermique à la jupette fleurie que j’aime voir gambader en se foutant de tout sauf du manège qui tournoie devant nous. Je vois que tout est combinaison linéaire, élimination des déchets et rivières d’infini pour tout ressourcer : cette fillette est plus qu’une équation condensée. Entre nous, c’est tout le système avarié qui reprend des couleurs. Mon coefficient opérationnel de performance s’en retrouve amélioré. Je la vois me sourire et un incendie se répand en Corse au même moment. La beauté se répand sans analyses. Elle chevauche un ours mécanique et tourne, tourne, tourne. Je prie l’inconnu. La nuit tombe. Il fait froid. Tout est parfait alors.

    TR

    Publié dans l'excellente revue Dissonances. 


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  • Oscar et Linda, un frère et une sœur, originellement orphelins séparés. Ils se retrouvent à Tokyo, lui est devenu dealer, elle strip-teaseuse. Ils font le pacte de ne plus se perdre. Oscar meurt. Influencée par le Livre des Morts Tibétain, l’âme d’Oscar quitte son corps et entame une errance qui devra la conduire au vide pur.

     

    Avec Enter the Void, le travail de Gaspar Noé se confirme être un  immense Théâtre de la Cruauté comme le voulait Artaud, où l’on y trouve la volonté de condensation virulente, de convulsion aride,  l’extase frôlant le supplice dans la transgression des limites subjectives qu’impose habituellement le cinéma de divertissement. La doublure quantique du cinéaste qui hante Enter the Void plane en un lent déploiement sacrificiel sans retour, comme une ombre portée lysergique. La teinte est plus onirique que dans ses précédents opus, tels Carne, Seul Contre Tous et autres Irréversible (même si ce dernier présentait déjà cette poétique éthérique escamotée par certaines scènes violentes), l’incarnation des situations et personnages se déréalise au profit d’une perception spectrale et tournoyante de l’instant, accouchant d’une transe cathartique qui ouvre des failles plutôt que des réponses, au nom de cette tentation chamanique de rendre compte, de rendre l’âme, sur l’autel d’une église vouée au culte de la synesthésie. Le sens s’effrite en faveur des sens, laissant place aux signes et traces, à un dérangement sensoriel et une déconstruction permanente du réel. Gaspar Noé traque finalement la linéarité des normes esthétiques qui régissent le cinéma narcissique français pour la faire imploser en un monstrueux et remarquable rituel où les corps dansent, les sons hallucinent et les désirs s’extériorisent, l’être s’improvisant en présences démultipliées. La non-linéarité de l’art cinématographique tel que le pratique Gaspar Noé évoque le fonctionnement chaotique de la circulation atmosphérique.

    Toujours éviter la répétition qui fige, qui stigmatise, rend inerte, mort. C’est bien la "voie magique" dont parlait Artaud, recourir aux rêves, à l’imaginaire et anéantir les pesanteurs du petit réel, afin que se dissolve la finitude des situations, des choses, du monde, que tout redevienne possible. Restituer l’invisible, cette entreprise,  le cinéaste azimuté la mène de façon jusqu’au-boutiste, intégrale pour ne pas dire intégriste. Un destin s’impose tout naturellement aux protagonistes d’un pareil théâtre, et sa détermination est rarement doucereuse.

    Son dernier bijou est comme les précédents, traumatisant, ludique et beau. Le cinéaste né en Argentine a été bercé par des films plutôt violents tels Délivrance de Boorman, Taxi Driver de Scorcese, Salo de Pasolini, Les Chiens de Paille de Peckinpah, ainsi que par une filmographie plus strictement expérimentale, avec Eraserhead de Lynch, Le Miroir de Tarkovski ou encore Inauguration of the Pleasure Dome d’Anger. Sexualité explicite, drogue et désespoir baignent les images lancinantes de son dernier-né,  filtrés par une caméra et un travail de postproduction aux ambitions prométhéennes.

    Fort peu de réalisateurs français peuvent se targuer  de renouveler le 7ème art comme le fait Noé (il faudrait citer toutefois Gondry ou Grandrieux).

    On est à l’opposé d’un cinéma bourgeois qui n’aspire qu’à scruter ses petites misères, la mise en abîme d’Enter the Void ne s’auto-évalue pas, affichant un occultisme esthétique sainement adolescent. L’indocilité de son entreprise de dérèglement de tous les sens fait franchement plaisir à voir, même si elle en laissera certains plus abasourdis ou ahuris que fascinés. Impossible de qualifier la structure narrative de cet ovni autrement que par le qualificatif expérimental.

    Les circonvolutions sauvages et poétiques de ce projet dérangé creusent un peu plus la singularité artistique de cet autodidacte génial, sorte d’échappé nomade des recettes commerciales asphyxiantes, avec, cerise sur le gâteau, cette faculté de ne pas s’aplatir devant les moralistes à la petite semaine qui le malmènent à chaque nouvelle production de son cru. Enter the Void est une liturgie sans Dieu, mais proférée avec une soif de dépassement métaphysique, ponctuée de signes qui se perdent dans les travées de salles enivrées de mauvaises bières.

     

     

     

     

     


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  • On admet communément que la correspondance entre jugements et faits induit le principe de vérité. L’adéquation entre les faits et l’intellect devant prendre en compte l’essence des phénomènes qui informent censément la conscience. Toutefois, les avancées scientifiques et philosophiques ont relativisé le principe d’essence des choses, la nature de la connaissance étant alors fragmentée et relativisée pour s’ouvrir à un indéfini conceptuel.

     

    L’identité de structure du sens étant trahie par le langage et les projections anthropocentristes. Constat qui a permis un retour du pragmatisme, ouvert à la pluralité des vérités complexes appuyées sur un consensus intersubjectif. Le rapport de causalité et ses présupposés réalistes appelant l’union de l’appréhension subjective et du factuel considéré comme objectif en soi. Le dualisme sujet-objet accompagnant ce présupposé. L’assentiment donné à l’extériorité des objets, par le moi observateur, passe par un accord contingent entre constat subjectif lié aux sens (on entend quelqu’un qui tape à la porte) et fait objectif (c’est le cas, quelqu’un tape bien à la porte).

    Toute logique part de ce rapport primitif d’adéquation ontologique.

    Le fait objectif légitimant la correspondance adéquate du jugement. Intervient alors la critique de ce dualisme (fait objectif/jugement subjectif) notamment par le travail de Werner Heisenberg. Le sujet cartésien dans sa pureté ontologique première sera remis en cause par toute la tradition phénoménologique, d’Heidegger à Husserl. La physique quantique achèvera de prolonger cette altération conceptuelle. Le mécanisme de Descartes fut dépassé..

    La réévaluation de Copenhague a dynamité ce dualisme à partir du problème de la mesure, à savoir qu’il y a action de l’observateur sur l’observé, l’en-soi du champ observé étant donc en interaction avec celui qui l’appréhende (et non coupé radicalement de l’expérimentateur). Les désormais fameuses particules élémentaires dont parle Michel Houellebecq ont illustré cette annulation du dualisme corps/esprit (la dualité onde-particule reprendra le flambeau !). Le déroulement apparemment linéaire entre cogitation, expérimentation et univocité de la pensée d’alors fut plus que dépassé bien que les germes de transcendance synthétique étaient déjà portés par l’œuvre de Descartes.

    L’objectivisme radical qui prétendait définir un sujet en soi, indépendant et pur de tout rapport à un sujet de médiation cognitive est appuyé sur un faux semblant puisqu’il demande le constat subjectif de l’observateur, constat qui n’est toujours que partiel et potentiellement partial, induisant la nécessité d’une connaissance globalisante de type divin pour asseoir la légitimité de l’expertise.

    La vérité ou la fausseté d’un jugement (qui se voudrait absolument objectif) étant indéfiniment liées à la capacité de s’extraire de tout conditionnement subjectif, donc de détenir une vision totale des conditions de l’expérience. Et personne n’occupe cette position. Il a donc fallu faire machine arrière, admettre que le fait objectif part toujours d’une hypothèse relative et que toute information issue d’une expérimentation est relative. L’inconsistance du fait objectif mine la concrétude absolutiste des expériences et surtout l’idée de correspondance entre abstraction analytique et contingence du fait. La division sujet-objet, renvoyant à l’idée d’entité en soi, extérieure à l’esprit de l’expérimentateur se casse la figure devant le principe d’entité abstraite qui n’a pas d’existence propre, qui serait extérieure à l’esprit, ce que prétend requérir l’expérience objective.

    Le jugement se portant sur l’entité abstraite ne peut plus se référer à la division objectif/subjectif. Cette contamination rend caduc le principe de vérité correspondantiste. Une redéfinition deviendra nécessaire à la source de l’édifice cognitif, substituant à la division mécaniste sujet-objet la théorie des régions de réalité (la réalité étant pour Heisenberg une fluctuation continue d’expériences saisies par la conscience, non identifable en son entier à quelque système isolé que ce soit).

    L’idée « d’extériorité » du monde de la physique classique demeure assise sur le dualisme sujet-objet, mais désormais transcendée par l’effectivité (dont parlait Hegel) de la physique quantique, dans laquelle ce dualisme est rendu sinon caduc du moins incomplet. Le subjectif et le symbolique sont intégrés au processus de connaissance de la réalité, le fait n’est qu’un fragment de ce qui se donne à connaître, à objectiver. Le subjectif ne pouvant être défini que pour soi, et par son appréhension propre. Le champ symbolique relevant des connexions pour Heisenberg, qui lui confère l’existence authentique et réelle. Le journalisme dans sa globalité est non seulement soumis au règne de l’objectivité faible, mais n’en est le plus souvent pas conscient. Les informations traitées (à commencer par la sélection et la hiérarchisation des sujets abordés) le sont toujours par le filtre des conditionnements culturels, psychologiques, sexuels, économiques, intellectuels, historiques et finalement métaphysiques.

     

     


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