• La génétique sur la piste d'une refonte généralisée du genre humain ?

     

    « Les clones biologiques futurs sont peut-être le miroir de ce que nous sommes déjà devenus. »1

     

     

    Un processus de dénaturalisation générale pourrait caractériser parfaitement la civilisation qui s’ouvre devant nous. Reniant tout « en soi », toute essence, toute typologie identitaire, reléguant aux objets trouvés toute norme fixiste, l’ère du grand « n’importe quoi », « n’importe où », « n’importe qui », s’empare de chaque destin.

    Derrière tout comportement dit déviant, certains y verraient un gène. Derrière tout état d’être. De l’alcoolisme à la violence, de la résistance à l’évitement, de la sociabilité à l’intelligence, de la beauté à la folie. D’où les idées et applications de plus en plus menaçantes de traçabilité, de séquençages, et in fine, de dépistage…

    http://sante.lefigaro.fr/actualite/2010/05/19/10227-genetique-transforme-lapproche-psychiatrie

    http://www.biofutur.com/La-genetique-s-invite-en-psychiatrie

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/28/des-anomalies-genetiques-communes-dans-cinq-troubles-mentaux_1840048_1650684.html

    Dépister pour retirer, sélectionner, et assurer la bonne conformation aux nouvelles normes nécessairement humanistes déterminées dans des bureaux d’idéologies opaques. L’idéologie génétiste considérant le plus souvent le symptôme comme la cause et préférant s’y attaquer sur le plan le plus absolument direct qui soit, à savoir moléculaire, reléguant ainsi aux greniers passéistes toute approche holistique appréhendant l’humain dans ses divers contextes de développement. 

    Le mois de février 1997 a engendré son onze septembre ontologique via la naissance de la brebis Dolly. Si la plasticité du cerveau humain est comme infinie, sa soif d’amélioration l’est tout autant, et la flexibilité libérale du capitalisme repose sur ce socle d’acceptabilité sans cesse ouvert et avide de nouveautés abolissant toutes les limites fixées au premier abord par la nature.  Le diabète est déjà traité via les manipulations génétiques, en restaurant la production d’insuline sans apport externe, la science génomique propose dans son déploiement technique potentiellement illimité de reconfigurer à peu près tout le vivant. L’idée de nature humaine est purement attaquée par cette possibilité. Car si tout ce qui la caractérise est transplantable, déportable et réimplantable, alors que restera t-il de la notion d’identité humaine ? Toute la mythologie des comics américains déroulant ses mutants dotés de supra-pouvoirs s’est développée sur cette puissance fécondante de la plasticité cosmique. La science génomique rendant tout donné factuel façonnable, l’interdépendance entre les différents règnes animaux, végétaux, minéraux, ouvre une omnipotence technicienne aux scientifiques dès lors qu’ils sont en mesure de jouer avec la biosphère. La bioéconomie qui naît de ces possibles est déjà à l’oeuvre dans  l’agriculture avec les OGM et la biologie synthétique s’est immiscée dans de nombreux  processus industriels. L’industrie pharmaceutique est une force d’appoint dans cette nouvelle ère que nous pouvons nommer généticienne.

    L’approche néolibérale envisage tout corps comme une force de rendement, un ensemble de potentialités parcellaires dont la productivité doit être améliorée, comme tout le reste du champ vivant.

    Les  gènes et autres cellules ne font donc pas exception à cette éthique là. Du sang de cordon ombilical au sang menstruel, des banques privées proposent leur conservation en vue d'une utilisation ultérieure.  Marché de vente d’ovules et de sperme, stockage d’échantillons d’ADN, de sang et de lignées cellulaires. L’industrie biomédicale grossit de ses achats.

     

    La perfectibilité humaine ne connaissant pas de frontières, c’est à moyen terme la mort elle-même qui sera envisagée comme l’horizon de transgression ultime. Toute finitude bue, l’esclavagisme marchand poursuit sa colonisation du réel sans rencontrer le moindre frein sérieux dans le champ politique, à la remorque qu’est ce dernier de toutes les puissances financières.

    Quant aux citoyens, à la fois sidérés et mis en appétit devant cette offre scientiste kaléidoscopique, ils sont pris en étau entre leurs enracinements anthropologiques et leur « devoir être », cette flèche du désir qui aspire en intentions, expire en mutations, faisant muter sans cesse le présent à l’aune du possible et de ses contradictions.

    Que le génome humain ne dépasse pas les 40 000 gènes, étant ainsi proche de la souris ou d’une mouche devrait pourtant inviter à la prudence quand à la capacité de circonscrire l’humain par cette seule approche. Seule l’intentionnalité proprement philosophique voire spirituelle peut déterminer jusqu’où peut aller le champ d’exploration, de mutation et d’exploitation du génome. A force de mettre entre parenthèses les conditions non strictement liées aux phénotypes et génotypes, c’est tout l’avenir humain qui se trouve ainsi enserré dans une conception mécaniste de son évolution. La causalité environnementale a son mot à dire. Analyser une anémie ou un mode sexuel n’est pas du même ordre. Ne devrait pas l’être à priori.

    Les dernières avancées des chercheurs se concentrent notamment autour des  cellules souches pluripotentes humaines, qui jusqu’à présent étaient issues de souches embryonnaire faisant fi du risque d’incompatibilité immunologique entre donneurs et receveurs.

    Cette soif de régénération ouvrant l’espoir d’un homme mécano susceptible d’être refondé de A à Z selon ses carences ou désirs ne connaît pas d’assouvissement final puisque elle tire son essence dans le refus même de toute finitude.

    Shinya Yamanaka et son équipe ont élaboré une approche différente 2006 afin de transformer une cellule  différenciée en cellule souche en réactivant l'expression des gènes associés à la pluripotence. Via des agents viraux, ces chercheurs ont introduit dans des fibroblastes de souris adultes quatre facteurs de transcription présents chez les cellules souches embryonnaires, à savoir Oct3/4, Sox2, KLF4, et c-Myc. 

     

    Naissait alors la pluripotence induite. Le but : accroître à l’infini des cellules souches embryonnaires offrant un auto-renouvellement illimité.

    Tout cela ne se passe pas qu’aux USA, mais très près de chez vous, c’est ce que nous verrons dans un prochain article, les ramifications entre laboratoires européens et américains créant une interdépendance factuelle dans ce champ de recherche qui transgresse allègrement la législation française sur le clonage comme  l'article 16-4 du Code civil français qui proscrit tout clonage, à but eugénique, reproductif ou thérapeutique  et précise :

    « Nul ne peut porter atteinte à l'intégrité de l'espèce humaine.

    • Toute pratique eugénique tendant à l'organisation de la sélection des personnes est interdite.

    • Est interdite toute intervention ayant pour but de faire naître un enfant génétiquement identique à une autre personne vivante ou décédée.

    • Sans préjudice des recherches tendant à la prévention et au traitement des maladies génétiques, aucune transformation ne peut être apportée aux caractères génétiques dans le but de modifier la descendance de la personne. »

    — Article 16-4 du Code civil

     

     

    Ces pratiques sont punissables de peine allant de trente ans à la réclusion criminelle à perpétuité.

     

    1Mark Hunyadi, Je est un clone, l’éthique à l’épreuve des biotechnologies, Seuil Editions, 2004.  

    Pour une critique de la raison bioéthique, Lucien Sève, 1994, Odile Jacob.

    « Le clonage de l'avenir.La poésie d'interdiction civique »

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :