• Dans cette affaire il n'y a pas un seul témoin.

    L'un n'est pas crédible comme coupable, l'autre ne l'est pas moins comme innocent, alors qu'est-ce qu'ils sont ? Excuse-les, ça leur était complètement sorti de la tête, c'était trop beau pour être vrai. Comment s'appelle le témoin ? On a oublié, tous en quête de solitude, ils vivent dans les nuages, un genre de syndrome narratif. Elle est avocate, cela ne l'amuse pas toujours, défend des assassins où des victimes, selon l'humeur, s'ouvre aux théories nouvelles, en demeurant fidèle aux orthodoxies fondatrices de son institution, mais pense toutefois que le justiciable est coupable depuis sa mise en examen, et que derrière le droit se cachent des contes de fées dangereux qui agissent sur nous comme des malades ou des démons, façon frères karamazov, entraînant dans leur sillage des innocences assassinées par ces histoires assoiffées de sang. Comme tous les rêveurs, on est bavards, à force de rejouer où déjouer des pulsions criminelles sans raison, à en faire passer l'idée de vérité de l'autre côté du miroir.

    Vous pensez qu'un geste sera compris, mais il restera stagnant dans l'inconscient, tout pâle, ce qui n'étonnera pas, puisqu'on on a dit que vous alliez tout savoir, comme le pourquoi du sacrifice humain, et alors vous le mesurerez, sans oublier le caractère primitif de ce type d'engagement. Tous les hommes doivent pouvoir offrir leur vie, qu'est-ce qui se passe quand ça advient ? Et bien ça meurt en immolation collective, à tout traîner dans la boue. Santé ! Il est bon le champagne sponsorisé pour les sacrifices, avec un rien d'Empédocle, l'incident fera grand bruit, avec crise cardiaque à l'arrivée, le mystère au bout de toutes les enquêtes, et tout cet argent détourné par des voies insensées. Tôt et tard, la réalité rattrapera ses argentiers, comme un loup des steppes à la Hesse sa proie. La généalogie du crime occupe une vie, car il existe un nombre indéterminé de légendes fascinantes, de Kennedy, à César. Les hommes croient vivre des histoires mais ce sont ces histoires qui vivent les hommes façon Brutus.

    Il faudra tout avouer comme un enfant, ce qui sera la chose la plus naturelle au monde. Cannibale et couteaux de distraction, fermer les yeux sur l'argent emprunté, on attend quelque chose de précis, de toute façon, tout cela finira en prison ; on appellera la police, on invitera à absoudre les gens, ces gens qui exigent des comptes épargne, qui attendent les 3 heures du matin, à s'ennuyer seuls dans des lits défaits, pour se bouger sans faim. Cactus et cuisine dérangée, une remontée spectrale à la recherche de mobiles, sans fins.


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  • Si la bourgeoisie faisait de toute l'humanité une bourgeoisie, elle n'aurait plus besoin de tout contrôler, et Dieu conduirait son peuple au désert, à l'usine, sur les autoroutes, dans les voitures, les camions, les normes, le désert. Ici l'on singe les enseignants dans des costumes trop grands, on flirte avec des jupettes et des couettes superbes, on prie, danse, pour un baiser refusé et un télégramme pour demain. La couleur arrive, les fêtes se déploient, dans des intérieurs cossus, éléments de construction civile à étudier, comme Rimbaud, la cendre tombe sur le pantalon, la bonne l'enlèvera ; le regard fixe opale, les images pieuses dans le miroir pour réconforter la vérification générale. Passer la tondeuse, entretenir le terrain des larmes, inutilement. Les perruches tétanisantes assurent le fond de l'ambiance stérile, la bonne avale le gaz, c'est raté, le nouveau venu s'en empare, elle baise ses mains, lui offre son ventre. Décomposition des structures façon Bacon, le désir fendille tous les paravents, soulager les jambes du père, les épaules et seins de la mère, l'angoisse du fils, l'album de famille de la fille entre les cuisses. Dans le miroir, frondaisons de peupliers, étang d'automne, aucune controverse possible. Comment faire valoir le sens moral face à toute cette confusion de possibilités concupiscentes, traverses de briques, de friches, de vie en jachère ? En perdant l'intrus, ils perdront leur diversité, il faudra lui faire payer, lui, l'invité de l'angoisse, sorte de fouillis ambulant d'idées fictives. Par le plaisir, ils mesurent leur vacuité de toujours.


    Scandale d'une mort civile, rendant caduque les possessions, les valises, les portées, les pots de fleurs, l'asservissement. Quel dieu ne saurait pas danser un instant ici ? Rétractation de l'ouvert, les poings resserrés sur l'impossible, voie ensablée, gravillonnée, ne reste que l'envie d'orties, un monde de confrontations impossibles, de faits abattus par toute peinture, un honnête horizon qui aspire à la crise de tout régime, de toute certitude. Un soir, ils sauront tous ce qu'ils pensent les uns des autres, ils entendront leurs pensées résonner au fond de leurs pensées, à eux, ils sauront ce que chacun ressent, veut, déteste, renie, contredit, trahit, un soir, ils sauront tous ce qu'ils sont les uns les autres, peu y survivront. Lévitation de tout dépouillement, dans une eau minérale pellegrino ; endeuillée creusée en bordure de voie ferrée, sous un soleil levé, couché, nuages cendrés, crête, course éperdue, cri premier.


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    Chers lectrices, chers lecteurs,

    Je viens à nouveau de faire condamner l'Etat français, et le maire UMP de Charenton-le-Pont, Jean-Marie Brétillon, grâce à Maître Mayet, que je remercie, cette fois au pénal, à plusieurs milliers d'euros, simple provision d'attente.
    Bien cordialement.

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  • Un génocide français.

    Des heures noires qui souillent l’histoire de France, l’histoire officielle n’en reconnaît que certaines. Pourtant, 76 000 malades internés dans les hôpitaux psychiatriques français sont morts durant la seconde guerre mondiale, et au moins 40 000 d’entre eux ont été éliminés indirectement par l’Etat français qui a décidé de réduire significativement l’aide alimentaire à cette population par principe improductive et donc jugée alors secondaire (seulement alors ?).

    La surmortalité dont nous parlons a été causée par une famine organisée et entérinée, via une réduction des rationnements réservés aux structures psychiatriques, dans une logique économique et philosophique caractérisée. La famine est régulièrement utilisée par les pouvoirs dictatoriaux pour éliminer des groupes humains jugés problématiques, soit parce qu’ils sont susceptibles de s’opposer, soit parce qu’ils incarnent des convictions, des mœurs ou des attachements entrant en contradiction avec les dits pouvoirs, ou bien quand, et c’est le cas en l’occurrence, ils représentent une dépense évaluée comme inutile.

    Les taux normaux de mortalité avant-guerre n’ont jamais été déterminés avec précision, ces populations asilaires n’intéressant que peu les historiens. C’est pourquoi, même s’il faut saluer le travail de salubrité publique effectué par quelques médecins courageux comme Max Lafont, la différenciation entre morts statistiquement normales et anormales reste nébuleuse. Y compris pour notre époque contemporaine. L’institution psychiatrique n’a jamais brillé par une grande soif de transparence sur ces questions, hier comme aujourd’hui. L’idéologie d’un pouvoir se traduit toujours systématiquement dans la pratique psychiatrique, comme dans toute autre institution publique. Quand celle-ci estime que les fameux fous sont des bouches inutiles, alors, toutes les options sont envisagées et pratiquées.

     

     

    Un génocide français.

    Il y avait par exemple pour l’Hôpital de Niort, si l’on étudie les travaux du Docteur Jean Burguet (« L’Hôpital-Hospice de Niort durant la seconde guerre mondiale à travers les délibérations de sa Commission administrative, Bulletin de la Société Historique des Deux-Sèvres, Troisième série, Tome II, 1er semestre 1994 »), uniquement un médecin aliéniste chargé d’au moins 600 malades.

    Comment, dès lors, avec si peu de moyens humains, évaluer sérieusement la nature d’un processus criminogène ? Processus qui eut bien lieu pourtant, essentiellement par la réduction intentionnelle des tickets de rationnement attribués à ces structures opaques ainsi que le manque de vêtements et l’insalubrité des lieux inadaptés contre les froids hivernaux.

    La mort par famine n’existait pas avant la guerre dans ces lieux, c’est un élément objectif incontestable.

    Le Docteur Lucien Bonnafé (« Dans cette nuit peuplée, Ed. Sociales, 1977) décrivit son entrée dans l’Hôpital psychiatrique de Ville-Evrard : « C’est à Ville-Evrard que nous eûmes la révélation d’une pathologie dont on devait parler abondamment au retour des survivants de la déportation, après la libération des camps nazis : amaigrissement prodigieux avec ou sans réveil de tuberculose latente, contamination déclenchant des phénomènes de phtisie galopante sur des organismes à défense anéantie, œdèmes énormes où l’on voit ces corps squelettiques se remplir d’eau, puis se vider dans d’incroyables diarrhées. A la visite du matin le dortoir sentait le cadavre. »

    Le rationnement décidé par l’Etat français ne toucha nullement les autres types d’hôpitaux mais cibla clairement les structures psychiatriques. L’Allemagne nazie élimina quant à elle au moins 200 000 malades par le gaz et la malnutrition. L’idéologie eugéniste était partagée des deux côtés du Rhin, ici via son chantre Alexis Carrel, créateur sous la tutelle du maréchal Pétain de la Fondation française pour l’étude des problèmes humains qui conditionna grandement les mentalités de l’époque.

    Le Dr Requet, chargé des services au Vinatier, dans la région lyonnaise, responsable de 800 internés :

    « Vous imaginez la difficulté pour s’intéresser à tous ! Les conditions de vie étaient atroces. Les internés vivaient comme des bêtes, avaient plus souvent de la paille que de la literie, l’aération et le chauffage étaient rudimentaires….ce que nous recevions était absolument insuffisant pour nourrir quelques 3000 malades…même avec les compléments de la ferme ».

    Plus loin : « Je peux témoigner de scènes affreuses : les malades se mangeaient les doigts ; ils mangeaient tout ce qui passait à leur portée : les écorces des arbres par exemple. C’était courant d’apprendre que des internés mangeaient leurs matières fécales ou buvaient leurs urines ; ils rêvaient tout exclusivement de rêves alimentaires ; un malade qui avait reçu un colis s’est jeté dessus et il est mort d’une rupture gastrique. » (« Rhônes-Alpes », du 9-4-1979 : interview du Dr Requet par André Mure.)

    Le célèbre Dr Gaston Ferdière, remettant en novembre 1942 son rapport au préfet de l’Aveyron :

    « Le Service d’enfants tel que je l’ai découvert avec stupeur lors de ma première visite était une garderie honteuse où le pervers léger (sic), placé à la suite d’une fugue ou d’un vol familial minime, pouvait avoir pour voisins de lit le plus grand épileptique gâteux et barbouilleur et l’idiot le plus monstrueux. »

    Ce bref extrait rend compte des fameux internés, parfois des enfants, pris pour fugue et qui finiront donc exterminés par la famine…

    Le médecin des Asiles Riquet déclara à la Société de Médecine, en 1942, avec force détails, la nature du processus en question :

    « Faim, amaigrissement énorme, voire émaciation, asthénie allant jusqu’à l’adynamie, œdème débutant souvent aux parties déclives, (mais aussi à la face, donnant au malade un faux air de bonne santé) et arrivant rapidement à des proportions considérables, anasarques géants comme on n’en voit pas dans la pathologie habituelle, épanchement dans toutes les séreuses, mais surtout sur le péritoine et les plèvres (surtout à droite), perte du pouvoir de régulation thermique, diarrhées prolongées pendant des semaines et des mois avec selles, nombreuses et impératives, peu influençables par les différentes thérapeutiques, tout en conservant un appétit féroce, sauf dans les derniers jours de la vie (sic) ; mort habituelle par coma algide de quelques heures, souvent inopiné (accompagné parfois de contractions chroniques des membres supérieurs et de convulsions). Plus rarement, la tuberculose pulmonaire est la cause même de la mort,[…] Ont été touchés en premier lieu les gens âgés et usés, les alcooliques, les gros mangeurs et les travailleurs ; les jeunes sont ceux qui résistent le mieux et l’on peut dire que la pathologie de sous-alimentation croît avec l’âge. […] D’une façon générale, la mortalité par sous-alimentation est considérable surtout en hiver ; où l’on voit moins d’oedèmes de carence et surtout moins étendus parce qu’ils n’ont pas le temps de se constituer et de s’étendre. En hiver, les phénomènes de dénutrition deviennent rapidement irréversibles et à partir d’une certaine dégradation, il n’y a plus d’espoir de rétablir le malade même en le réchauffant et en le suralimentant. […] Les rations qui provoquent ces troubles sont caractérisés par une insuffisance calorique globale, mais surtout par un déséquilibre alimentaire ; il n’y a pas assez de graisse et de matières azotée par rapport aux hydrates de carbones. »

    Le résultat de cette communication qui décrit tout simplement un phénomène de mort massive similaire en de nombreux points aux camps de concentration nazis n’entraîna qu’une indifférence totale. Peu d’accès au marché noir, pas de combines, rien que la mort et la conspiration du silence.

    Il est vrai que Laval avait proposé à Alexis Carrel de devenir ministre de la santé, lui qui défendait l’élimination physique par soucis économique des fous et des prisonniers :

    « On pourrait faire comprendre aux jeunes gens à quels malheurs ils s’exposent en se mariant dans des familles où existent la syphilis, le cancer, la tuberculose, le nervosisme, la folie, ou la faiblesse d’esprit. De telles familles devraient être considérées par eux comme au moins aussi indésirables que les familles pauvres. Aucun criminel ne cause de malheurs aussi grands que l’introduction dans la race de la tendance à la folie. » (p.364)

    « Le coût des prisons et des asiles d’aliénés, de la protection du public contre les bandits et les fous, est, comme nous le savons, devenu gigantesque. Un effort naïf est fait par les nations civilisées pour la conservation d’êtres inutiles et nuisibles. Les anormaux empêchent le développement des normaux. […] Pourquoi la société ne disposerait-elle pas des criminels et des aliénés d’une façon plus économique ? » (p.387)

    L’Homme, cet inconnu ? Alexis Carrel, Editions Plon, 1943.

    Dans sa préface de la version allemande, il écrira fin 1936 :

    « En Allemagne, le gouvernement a pris des mesures énergiques contre l’augmentation des minorités, des aliénés, des criminels. La solution idéale serait que chaque individu de cette sorte soit éliminé quand il s’est montré dangereux… »

    En effet, des centaines de milliers d’allemands déterminés comme malades mentaux seront bel et bien physiquement éliminés durant cette période.

    Le Dr Balvet de Montpellier lança un appel à ses confrères soulignant l’état d’impéritie de cette institution, appel qui resta pour la période lettre morte.

    « Dire qu’en 1942, Balvet dénonce le génocide des malades mentaux, c’est le romantisme de Colin. Non mais, je ne dis pas que je n’ai pas joué un rôle…Un rôle sûrement…mais que Colin et d’autres ont remanié en faisant de moi une statue…C’est pas vrai. Ca va avec ce que je dis.. Rien n’est vrai de tout ça. .C’est vrai que cet article, ce machin, je l’ai fait avec un certain.. puisqu’on dit honteux pour le reste…Disons que ça a été un acte de courage autant que je me rappelle. »

    Certains responsables d’hôpitaux tentent d’assouplir les conditions inhumaines qui sont faites aux internés, demandant au gouvernement des accommodements, comme ceux de l’hôpital de Saint-Egrève, près de Grenoble, les réponses s’avèrent cinglantes comme en témoigne ce courrier officiel du Gouvernement de Vichy via le Secrétariat d’Etat à la Santé (XXIIe région ) :

    « Demandez à vos médecins de désigner les bénéficiaires par classement basé sur la distinction ci-après : les malades récupérables, c’est-à-dire ceux qui, par un traitement approprié et un séjour de courte durée dans votre hôpital, pourront être rendus à la liberté et reprendre leur place dans la société et leur activité antérieure. Ce sont ceux-là qu’il convient de ré-alimenter. »

    1400 calories par interné, tel était le programme alimentaire réservé aux malades par l’Etat français durant toute la guerre. Privation des suppléments alimentaires accordés à tous les autres hôpitaux non psychiatriques. Hôpitaux qui pourtant étaient souvent situés sur des domaines agricoles riches en protéines, (lait, bœufs, porcs et autres poulets). Des expériences furent pratiquées sur ces internés comme l’injection de sérum de bovidé, de strychnine, ou d’extraits ovariens totaux.

    Pendant ce temps, la Société médico-psychologique devisait sur le délire du manque, l’onirisme lilliputien et gastronomique par carence alimentaire, la sensibilité particulière des malades mentaux à l’avitaminose B1 ….

    Les autorités médicales multiplient les thèses sur l’œdème de malnutrition, les troubles de la pression osmotique des protéines, les cachexies mortelles, sans jamais dénoncer clairement l’origine de cette avalanche statistique pudiquement nommée de nos jours surmortalité. La subtilité de cette pratique génocidaire consista en l’absence quasi-totale d’ordres, et pour cause, les rations officiellement appliquées aux HP ne permettaient pas la survie physique. Il était inutile d’expliciter, théoriser et légitimer un abandon à la mort de façon officielle puisque la pratique des rations ainsi déterminées de façon sous qualitative sur le plan biologique assurait de façon muette un tel résultat mortifère.

     

    Ajzenberg A. : L’abandon à la mort de 76 000 fous par le régime de Vichy, L’harmattan, 2012.

    Bonnafé L. : Dans cette nuit peuplée, Editions sociales, Paris, 1977.

    Broussolles P. : Loi de 1838 et aliénation mentale, In Information sociale, 1965, pp. 134-142.

    Carrel A. : L’homme, cet inconnu, Plon, Paris, 1935.

    Castelli A. : Montdeergues-les-Roses (1940-1945), Un hôpital psychiatrique sous Vichy, in Revue Chimères Numéro 28.

    Daumezon G. : La situation du personnel infirmier des asiles d’aliénés, Editions Doin, 1935.

    Lafont M. : L’extermination douce, 40 000 malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux sous Vichy, Editions le bord de l’eau, 2000.

    Jay Lifton R. ; Les médecins nazis ou le meurtre médical et la psychologie du génocide, Editions Robert Laffont,1989.

    Durand P. : Le train des fous, Editions Syllepse,2001.

    Foucault M. : Histoire de la folie, Editions Plon, 1961.

    Roumieux J. : Je travaille à l’asile d’aliénés, Editions Champ Libre, 1974.

    Scherrer P. : Un hôpital sous l’Occupation, Atelier Alpha Bleue, 1982.

    Vermorel H. et Meylan A. : Cent ans de psychiatrie, Editions du Scarabée, Paris, 1969.


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    Depuis quelques années, et plus que jamais à l’occasion de la sortie d’Horizons, son nouvel album, commentaires sur le net, articles et chroniques remuent fréquemment la même vase, pour tirer sur une ambulance avec cette tendance morbide à enfoncer celui qui ne se noierait pas comme l’on voudrait, dégageant la sourde impression de souhaiter la mort au moins sociale d'un artiste qui n'aurait plus le droit que de disparaître.

     

     

    Parole de Droit Dans Le Soleil :
    Tous les jours on retourne la scène
    Juste fauve au milieu de l'arène
    On ne renonce pas, on essaie
    De regarder droit dans le soleil

    Et ton coeur au labo de lumière
    Quand l'amour revient à la poussière
    On ne se console pas, on essaie
    De regarder droit dans le soleil

    A la croisée des âmes sans sommeil
    L'enfer est myope autant que le ciel
    On t'avait dit que tout se paie
    Regarde bien droit dans le soleil

    Tourne, tourne la tête
    Tout se dissout dans la lumière
    L'acier et les ombres qui marchent à tes côtés

    Quand le parfum des nuits sans pareille
    Et l'éclat des corps qui s'émerveillent
    Ses lèvres avaient un goût de miel
    On regardait droit dans le soleil

    Les serments se dispersent dans l'air
    Et les mots qui retombent à l'envers
    On ne sait plus comment ça s'épelle
    Regarder droit dans le soleil

    Tourne, tourne la tête
    Tout se dissout dans la lumière
    L'acier et les ombres qui marchent à tes côtés

    Assiégé par le chant des sirènes
    Sentinelles au milieu de la plaine
    Le tranchent de l'oeil en éveil
    Pour regarder droit dans le soleil

    Comme si l'on pouvait cliver ce qui se passe en une fraction de seconde dans les neurones d'un humain, diviser le bien du mal à tout moment, en tout instant et en tous lieux, comme si le mal ne s'insinuait pas dans l'ombre des meilleures intentions, à la vitesse de la lumière, dans les actes et les cœurs, emplissant de confusion certes, mais préparant lentement et sûrement son terrain fertile, accumulant les préjudices jusqu'à former une ébriété d'indignation qui fait sauter les ultimes digues d'attachement et de respect. La jalousie torturante. La glace des accords rompus qui dépossède, qui invite à ne plus se maîtriser soi quand on aspire à posséder l'autre, quand on abdique la souveraineté de son jugement, quand on veut faire dépendre de soi ce qui n'en dépend pas comme le savait Marc-Aurèle et non Maïakovski.

     

    On reprocherait presque à Cantat de ne pas être Peter Pan, trop habile à se situer, et pas seulement à l'instinct, face aux médias et au monde. Peter Pan ne fait pas de procès au capitaine crochet, il ne demande pas de liberté conditionnelle. Le romantisme sacrificiel dont on a parlé à foison et souvent à demi-mots ne se retrouve point dans la volonté de réduire au maximum la sanction par les demandes de liberté conditionnelle. Certains semblent réclamer un silence absolu et irréversible pour accompagner « dignement » la déroute de ses amours. Le silence imposé légalement des années durant n'a pas assouvi le ressentiment d'un certain public à l'égard de Cantat, qui semble chuchoter qu'il faut éthiquement (car l'éthique induirait des injonctions) opposer à la faute première et ses velléités criminogènes la honte et le repentir d'un désengagement total, au-delà de la culpabilité affichée, qu'il faudrait y rajouter vitalement le repentir du silence définitif, du désengagement effectif non imposé, voire s’imposer une mort sociale radicale. Certains n'ont pas accepté et continuent de ne pas accepter ses tentatives de renaissance artistique, son égo bien présent, toujours prompt à se défendre et s'affirmer dans sa dignité bafouée. Bref une force qui s'affirme et non se renie. La faillibilité essentielle de l'homme (non discutable vue de haut puisqu’universelle, mais qui peut prétendre voir et juger de haut ?) a dézingué l'égalité, la liberté et la fraternité dont il se faisait le porteur public, en refusant des sms ambivalents, en acceptant un combat physique inégal. Certains misaient sur une attitude moins combattive, en somme désarmée, face notamment à la presse poubelle et à la faillibilité des autres. Question de caractère, question subjective, subalterne, ou pas. Il faudrait rappeler à ces indignés professionnels que l’art n’a jamais été éthique en soi et que ses porteurs n’ont pas pour mission d’incarner on ne sait quel principe.

     

    Le factuel est là, les paroles et notes de ce nouvel album sonnent juste, et cette justesse vaut tous les justiciers virtuels, Cantat sait s'évanouir dans ses mots simples avec les yeux d'un enfant qui n'a pas renoncé à lui-même, avec la tendresse au bord des lèvres et la cruauté dans les notes, une bouche à dire des choses infinies, des paroles qui forment une liturgie sans Dieu mais proférée avec une soif de sacré, démentant par la même occasion ceux qui prétendaient qu'il n'avait plus rien à dire sans son groupe.

    Bertrand Cantat Entre Ethique du Degagement et Immanence du Controle, Ed. L'Harmattan, TR.

     

     


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