• Lenoir, une musique pas comme les autres ?

    Cher Bernard, permets-moi le tutoiement, car la familiarité de ta voix se diffusant à travers les diverses enceintes successives qui ont accompagné mes dernières décennies d’écoute radiophonique me le rend évident. C’est un de tes auditeurs pas comme les autres qui t’interpelle comme l’animateur pas comme les autres que tu es.

    http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/cestlenoir/

    La maison où tu travailles va connaître une véritable implosion dans les mois qui viennent. L’ultralibéralisme sarkozyste est passé par là selon certains, pour d’autres il ne s’agit que de querelles égocentriques et narcissiques purement internes. Peu importe (ou pas).

     

     

     

     Moi je veux te parler de tes émissions qui ont bercé mes soirées adolescentes comme c’est le cas pour toute une génération de trentenaires aujourd'hui. J’essaie de ne la rater qu’en cas d’opportunités ô combien vitales (hormis quelques périodes d’infidélités bien légitimes pour cause d’intérêts éloignés). Elle a clairement contribué à mon éducation musicale dans les genres pop/rock. Il y a quelques années, tu t’es ouvert aux musiques du monde, démontrant là ton ouverture d’esprit habituelle. Tes programmations ont toujours fait preuve d’un grand éclectisme. Mais depuis quelques temps, je te le dis franchement, « on » (disons plus précisément une frange donnée de ton auditoire) s’ennuie ferme à ton écoute. Cela ne tient pas vraiment à une anesthésie auditive  de ta part, non, c’est juste qu’il fut une époque ou un artiste de génie en remplaçait un autre chaque semaine, des Pixies à James, des Wedding Present à The House of Love, d’un Frank and the Walters à un Perry Blake, d’un Cocteau Twins à un Jeff Buckley, le tout entrecoupé du dernier New Order ou Smashing pumpkins.

    Ce renouvellement s’est cruellement tari.  L’émission s’est embourgeoisée au fil des ans, pendant que tes amis des Inrockuptibles opéraient eux une mutation de leur revue, tendant vers un « militantisme » politique plus affirmé au détriment des chroniques de grand talent qui caractérisaient ses débuts. Mais c’est un autre sujet. J’en viens à la question qui motive cette missive virtuelle : ne devrais-tu pas à nouveau renouveler ta formule, t’adapter aux temps chaotiques que traverse France-inter ? Et donc, radicaliser quelque peu ton émission. Jean-Louis Murat et PJ Harvey ne t’en voudront pas, et bien des nouveaux venus pourront agrandir le cercle des désormais majoritaires « désinvoltes mais n’ayant l’air de rien » auditeurs qui t’écoutent. À quand un peu de Killing Joke, de Berurier noir (et surtout leurs successeurs que tu te dois de découvrir) pour éviter d’en venir à Saez qui vise plus les 12/15 ans. Noir Désir n’est pas là actuellement et c’est le grand désert, il faut le dire. Ce ne sont pas les susurrements subtils et atones de Dominique A, Émilie Simon et autres Biolay  qui vont y remédier ou les mélancolies harmonieuses de I Love You but I've Chosen Darkness  qui peuvent s’interposer au flux et reflux délétères  qui assaillent ta fréquence.

    Placebo déroule son talent indéniable qui a vampirisé l’héritage de Cure, l’inceste n’est plus loin.

    Par ailleurs,  pourquoi ne pas t’ouvrir à de nouvelles scènes que tu sembles ignorer majesteusuement alors qu’elles ont pris une place incontournable sur le plan européen et même international, je parle des scènes indus, néofolk, néoclassique

    ou plus trivialement gothique (qui charrient leur lot respectif de caricatures grotesques, mais aussi de pépites incontournables, comme pour toutes les mouvances musicales).

     

     

     

    Certains traînent une très mauvaise réputation pourras-tu immédiatement te dire en songeant à ces voies de traverses musicales. Pourtant, n’oublie pas que Joy Division provient de la scène Punk  et a poursuivi cette tradition de la provocation esthétique et idéologique non par militantisme, mais pas pure démarche transgressive comme pratiquée par Georges Bataille ou Antonin Artaud. Bowie, Siouxsie and the Banshees et les désormais consensuels The Cure  ont eu à souffrir à diverses occasions des mêmes images néfastes pour des raisons la plupart du temps parfaitement absurdes (je songe notamment à la chanson Killing an Arab de Robert Smith qui faisait référence à l’étranger de Camus et a été instrumentalisée par des incultes, contraignant le groupe a en modifier le titre lors de ses tournées !). Ou à d’autres écussons dont tu connais la nature portés par des formations pourtant indiscutables sur le plan éthique. Enfin bref, je t’invite à une certaine radicalisation musicale, quelle que soit la direction que tu pourras (dans le contexte actuel, j’ignore quelles sont tes marges de manœuvre) et souhaiteras lui donner.  Interpol,  65 days of Static c’est bien gentil, mais bon, on meurt de trop de gentillesse. La perfection technique des divers groupes qui colonisent ta tranche horaire est gravement carencée justement d’un certain amateurisme salvateur. Trop de pros qui réutilisent de vieilles méthodes artificiellement complexifiées harmoniquement parlant. Pas assez  d’expérimentateurs. Un peu de mauvaiseté ne ferait pas de mal à tes diffusions pour la sortir des chambres du Marais ou des lofts habités par des étudiants entretenus par leurs parents qui révisent leur droit en prêtant une oreille distraite à tes sons. Et puis pourquoi   laisser une certaine jeunesse de banlieue livrée à un rap médiocre diffusé par la répugnante Skyrock (au titre infondé) alors que l’on tient une Keny Arkana par exemple ? Le dogmatique binôme pop rock a fait long feu par les temps qui courent, il devient par trop élitiste et docile aux bouffons du roi qui ont pris les rênes des médias depuis fort longtemps.

    http://www.deezer.com/fr/#music/playlist/radicalite-46291981

     

    Recopier et coller ce lien ci-dessus pour y accéder.

     

     

     

    Redeviens dérangeant et innovant Bernard.

    Bien cordialement.

     

    Ps : la petite fille de Guy Debord, Jeanne D, t’écoute depuis Albissola en Italie et se plaint aussi. ^^

     

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