• la possession rock.

     

     

    La scène telle que pratiquée par Noir Désir revient à se plonger dans le Théâtre de la Cruauté d'Artaud, on y trouve la volonté de condensation violente, de convulsion aride, où l'extase frôle le supplice dans la transgression des limites subjectives des uns et des autres. Bourreau de soi qui lucidement s'abandonne à son oeuvre, s'y sacrifie sans retour. Faire spectacle de son âme dénudée, hors de tout narcissisme médiatique, juste demeurer incarné, concret, debout parfois, couché en fin de tournée, couché par l'épuisement et la fatalité des limites physiques. Rien véritablement ne s'exorcise car au contraire, l'artiste va creuser chaque fois un peu plus loin dans ses failles, au nom d'une volonté de rendre compte, de rendre l'âme oui. Le sens s'effrite au profit des sens, il demeure des signes, des traces, via des enregistrements et entretiens écrits, mais l'essence du groupe se situe bien dans l'immédiateté du concert. La maîtrise de l'esprit devient parfois précaire quand un tel processus s'engage, cette suspension du temps qu'impose la formule d'une tournée rock, ritualise le sacrifice, les corps dansent, les mots hallucinent, les désirs s'extériorisent, l'être s'improvise en présences démultipliées. Toujours éviter la répétition qui fige, qui stigmatise, rend inerte, mort. C'est la "voie magique" dont parlait Artaud, recourir aux rêves, à l'imaginaire et anéantir les pesanteurs du petit réel, afin que se dissolve la finitude des situations, des choses, du monde, que tout redevienne possible. Rendre sensible l'invisible, cette entreprise, Cantat la mène de façon jusqu'au boutiste, intégrale pour ne pas dire intégriste, même si toujours, les autres membres du groupe sont consultés et donnent leur avis, et si une relation démocratique interne fonctionne. L'efficacité d'une telle ambition provoque nécessairement chez l'auditoire une adhésion passionnelle, des cristallisations qui fidélisent un public en mal d'authenticité. En établissant cette liaison magique, le danger s'ouvre, comment «reprendre ses billes», comment redevenir un simple quidam qui fait ses courses et vit sa vie, comment continuer de s'appartenir ? Un destin s'impose tout naturellement aux protagonistes d'un tel Théâtre, et sa détermination est rarement doucereuse.

    On est à l'opposé du cinéma dans un tel contexte, la mise en abîme ne s'auto-évalue pas, le montage se fait en direct. "Un Athlétisme affectif" qui frise l'occultisme s'empare de Cantat à chacune de ses prestations scéniques pour atteindre l'impossible étoile, pour se faire être total via cette transcendance musicale. Artaud aspirait à la "pantomime non pervertie". Cette définition colle parfaitement à ces tournées hantées de Noir Désir. Subjectivement, tout ce qui semble irréalisable ailleurs devient plénitude et absolu sur scène. Il est déjà loin le temps où ils rêvaient au lycée en songeant à Led Zeppelin et autres AC/DC, ce sont eux qui remplissent les salles, connaissent les saveurs de l'adulation, avec ses outrances et ses incompréhensions. Cette tournée a usé tout le monde, Cantat part se ressourcer au Mexique, puis Cuba et le Guatemala, avec l'idée effleurée de ne pas revenir. Quinze ans viennent de s'écouler, chaque membre vit ses expériences singulières, Vidalenc navigue, Barthe joue avec divers groupes (Edgar de l'Est et Blind Folded), la presse parle d'un éventuel split...

    La Mano Negra se sépare, la mode a basculé du côté des USA avec le grunge radical de Nirvana. Malgré leurs escapades enrichissantes, les membres de Noir Désir réalisent que rompre avec ce groupe serait rompre avec leur ombre portée. Avec leur amitié qui a pour dénominateur commun la musique. Quelques modifications subalternes en interne chez Barclay ne modifient pas la ligne de départ indocile. Le groupe installe un studio 16 pistes dans une maison de gitans et ils décident de s'y remettre. Ils nominaliseront leurs ébauches à Londres, au coeur du «Outside» Studio. Le tout en deux mois. Sans la moindre possibilité de censure ou d'autocensure puisqu’il n'y a plus rien à prouver sinon qu'ils sont encore en vie. L'assurance d'être soi n'est plus une hantise, la question est : aller encore plus loin !

    « Hors du conditionnéla possession rock (contradictions de positionnement). »

  • Commentaires

    1
    Jeudi 2 Juin 2011 à 14:14
    Extrait de biographie.
    Extrait, Texte en finalisation.
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :