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  • ALORS ÇA CASSE (préface des "Algarades illusoires").

    Inutile donc de faire comme s'il restait une part de joliesse dont on pourrait encore s'enorgueillir benoîtement. Inutile, puisque le cœur, moribond, s'apprête à lâcher. Cela fait bien longtemps que les rires ont jauni; et puisque tout le monde s'en fout manifestement, autant vomir en public les haines et idéaux dont le mélange indigeste ne passe définitivement pas. Alors ça casse. Et avec les rêves balayés, c'est l'être dans son entièreté qui casse, interdit de cité. Il n'y a rien à faire: ça ne passe pas, alors ça casse. Membres épars et cœurs fêlés, ça casse. Sentiments dégonflés et rêves effondrés, ça casse. Dans l'indifférence générale. Indifférence si outrageusement fardée de discours humanistes que ce maquillage suranné ne parvient plus à masquer la dialectique de putréfaction qui travaille en profondeur tous les corps sociaux que l'humain s'est inventés pour faire écran, pour détourner son regard d'un vide qu'il ne sait affronter. Réseaux de trompes-l'œil, jeux de dupes: le trop plein de vivres à toujours consommer n'endigue pas la mort qui consume à jamais des mouvements de l'âme trop creux pour durer. Ça casse. L'obscénité du monde abonde dans le non-sens de sa vacuité: c'est l'inertie ambiante, la dialectique de l'inanité. Surproduction de verbiage, surmultiplication des artifices. Et pourtant rien n'y fait. Encore et toujours: ça ne passe pas, alors ça casse.
    L'ouvrier du mois devient la brebis galeuse. Un coup de fil et puis s'en va: s'emmure dans un silence sépulcral l'amour défunt d'une vie dont on ne sait plus quoi faire – une vie qui reste idiotement à vivre comme les déchets puants restent à recycler. On piétine. On fait face à l'impossible. On fait face à l'échec programmé. Parce qu'on y vit, parce qu'on s'y bat. Parce qu'on s'y débat, dans la boue qu'entretiennent les larmes qui coulent le long des joues giflées. On a beau tenter d'étreindre. On a beau bouffer et posséder. On a beau calculer et trouver les techniques. On a beau faire œuvre de ruse et rafistoler, le cas échéant. On a beau supplier pour que ça continue et que les jours reviennent. On a beau: esthétique de l'échec, esthétique de la débâcle. On conjure la vie de reprendre des droits que l'on voudrait être les siens, à elle et avec elle à soi. On implore, on chute et on rampe. On achète, on se vend et on crève. On crie. On pleure. On écrit. On échoue. On a beau.

    C'est cette esthétique et ce mouvement que Thomas Roussot épouse et décline à travers ses poèmes. C'est vers les marécages dans lesquels les élans s'enlisent qu'il nous entraîne, nous invitant à faire l'épreuve honnête de ce qui s'y passe, et, dans la foulée, à y prendre le maquis. Sa part de boue, sa part de merde, il faut bien l'assumer telle quelle. Elle est là quoi qu'on en dise; elle est ce qu'elle est, qu'on la nomme ainsi ou qu'on l'endimanche. L'être tel qu'il se donne là, c'est-à-dire ici, et maintenant, c'est tout l'objet de la poésie de Thomas Roussot de l'assumer et d'en rendre compte autant qu'il est en son pouvoir de le permettre. L'auteur prend les armes verbales pour défendre la vérité nue d'une actualité crue – vérité qu'il sait ne pas maîtriser mais vers laquelle il tend obstinément. Ses algarades volitives décrivent les circonvolutions funestes d'une décadence ontologique dans laquelle l'humain se complaît avant tout par faiblesse, parce que c'est si facile. En cela, elles sont autant de balles tirées dans les miroirs déformants que la société s'affaire à se tendre pour s'y mirer, belle comme elle n'a jamais su l'être, noble comme elle ne l'a jamais été.
    Dans les poèmes de Thomas Roussot, il y a de la hargne, et il y a de la haine. Il y a du limon; il y a du dégoût. Il y a beaucoup de solitude; il y a de la misère. Misère d'être là, parmi les gravats. Il y a de l'amour aussi, de l'amour surtout. L'amour en premier chef: à la fois raison et déraison d'être. L'amour qui fait tourner le monde – le monde qui tourne en rond. Il n'y a au fond qu'amour et déréliction: l'alpha et l'oméga entre lesquels la langue s'étire pour créer un pont, la main qui articule le verbe cherchant à donner corps à ce projet spectral. La main s'y active; les mains s'y emploient. C'est la main tendue fraternellement, et c'est la main armée désespérément. C'est le poing reçu dans l'estomac, et c'est celui rendu au visage. Ce sont les mains élevées pour atteindre, les mains qui sans cesse se tuent à étreindre. Ce sont les mains qui fébrilement étranglent, et ce sont les mains qui tâtonnent dans la fange. Les mains du prêtre; les mains du soupirant. Les mains du bourreau; les mains de l'enfant. Ce sont au fond les mains qui tentent de se rejoindre, qui espèrent communier, pour qu'alors enfin jointes, les doigts repliés, la tête s'y repose pour humblement prier.

    Amine Boucekkine.

    Auteur, philosophe, organisateur de soirées culturelles.

     

     


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  • Demain à partir de 14 heures, fête des olympiades à Esquirol. Vous êtes cordialement invités. Ensemble, la fête est plus folle. http://www.hopital-esquirol.fr/

    Ensemble, la fête est plus folle.


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  • Cher Monsieur Pierre Aidenbaum, en tant que spécialiste de la régie immobilière, vous devez connaître aussi les Droits de l'Homme. Vous en êtes un ardent défenseur. Vous luttez contre le racisme et l'antisémitisme depuis longtemps. Vous avez triomphé du Maire précédent à la gestion quelque peu trouble des voix d'électeurs. Vous avez à nouveau triomphé en 2001, preuve en est que la population de votre quartier semble satisfaite de votre gestion. Avec vos amis communistes et écologistes, vous êtes attaché à la justice sociale. Vous œuvrez vaillamment pour la fête de la diversité, les magasins bio, bref, vous faites de votre mieux. Il y a juste un petit problème Monsieur.

    Votre quartier s'est vidé de la plupart de ses petits artisans, des classes moyennes et prolétaires pour laisser place à cette nouvelle bourgeoisie que l'on nomme « affectueusement » « bobo ». Beaucoup d'agences de publicité, de journaux branchés, de cafés exotiques, mais l'on y croise aussi beaucoup de clochards dans vos rues cher Monsieur. Beaucoup trop. Et il y a plus grave, il existe des retraités qui ne touchent que le revenu minimum de solidarité (dont vous devez connaître le montant n'est-ce pas ?), qui sont malades, grabataires, dont les médecins préconisent une aide à domicile, pour assurer l'hygiène et l'aide médicale et alimentaire car toute leur retraite en question part dans des loyers prohibitifs. Vos services sociaux sont prévenus depuis plus d'un an, une assistante sociale s'est déplacée, elle n'a rien trouvé à redire, elle a jugé la situation correcte et n'a pris aucune décision d'urgence, dans le cas précis auquel je fais allusion, et qui est représentatif de toute une gestion politique d'un quartier, et pourquoi pas d'un pays. Ce retraité étant dépressif et fier à la fois, il s'est voulu rassurant, n'a pas souhaité demander quoi que ce soit, mais la situation physique et sanitaire tant de l'homme en question que du lieu où il réside ne pouvait permettre aucun doute sur le caractère urgent d'une telle aide. Rien n'a été fait. Cela constitue un délit intitulé : non-assistance à personne en danger. La propriétaire de l'immeuble où il réside ainsi que ses proches (pas les voisins évidemment qui se foutent comme de la dernière guigne des mourants) ont alerté vos services, tant par courrier qu'en se déplaçant dans votre Mairie. Vos services souffriraient-ils d'un racisme anti-vieillards malades ? Où sont vos Droits de l'homme en l'espèce ?

    Nous allons joindre une petite vidéo pour attester de la situation concrète dont il est question dans cette modeste missive.

    Bien cordialement Monsieur. Un admirateur d'Irène Jacob qui pense bien à vous.


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    Tu ne te soumets jamais à ce que tu admires, tes idoles sont tes kleenex. Tu es souveraine dans la posture, jamais dans le rapport. Tu méprises toute pénétration effective, tu ne connais que le thé et les masturbations épistolaires. Toutes tes tentatives de séduction s'échoueront sur le front de l'insoumission; tous tes sourires périront sur le bord de l'indocilité. Tes attributs de puissance collectionnés en papillons de ténèbres ne valent pas tripette. Tu tires ton narcissisme des photos, des écoutes, de la misérable gloriole que t'accordent des chiens baveux qui te filent aux basques. Tu parasites des génies malades et en tires des miettes. Tu vas vers la lumière des autres pour en capter des flammêches d'aura subalterne. Tu n'es que coulure vitaliste, flirtant avec ceux qui se frottent et se consument dans le feu de la connaissance pure. Tu les comprends, tu les digères, tu les synthétises, te fais rarement baiser par eux car tu tiens à ton hymen imaginaire. Tu prétends aux affinités électives alors que tu ne cultives que le champ de ta vanité d'aristocrate en goguette. Papillon livresque, tu ne feras jamais la guerre ni ne connaîtra le grand sacrifice, non, tu les étudieras, à l'ombre d'un saule pleureur et d'une ombrelle blanchâtre. Ton trio scabreux n'avait d'érotique que le fouet inusité sur tes douces fesses, carence regrettable qui t'aurait permis d'envisager l'engadine autrement. Plus que tout, ton charme est protéiforme et sa singularité celle des vampires de l'exil. Tes déplacements toujours marqués du sceau de l'utilitarisme et non de l'authentique vagabondage offert à la disparition. Ta pensée est décorative, simple syncrétisme de discussions hétérogènes, aucun apport novateur ne coule de tes lignes. Ton génie est celui de l'ensorcellement sensuel, qui fait de toi un clitoris abstrait, s'attaquant à la production, au fertile, à l'invention, tous principes dont tes parures ombrageuses sont dépourvues. Tu ne sais aimer, juste assurer la permanence du cercle vicieux de ta perméabilité insaisissable. Les vers ne sont plus de papier et ils ont rongé tes romans médiocres depuis longtemps. Ne reste que ta collection de chasseuse de têtes et le sillage d'une beauté oubliée.


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