• Radiosité dans le reptilien

    Emanation du ça sous l'humus de demain

    Il n'y a plus de "mais"

    La roue des étants est avariée

    Fête des lumières en Sologne

    Tais-toi et marche


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  • « La Tour s’appelle Contagion, un grand incendie la couronne. »

    Max Jacob, Derniers poèmes en vers et en prose (Gallimard, 1945)

    J’ai rencontré le poète Pierre Chabert lors du XXème siècle finissant.

    Il était très alerte, vif,  animé par cet esprit altier et mordant qui le caractérisait. Armé d’un sourire permanent, avare de ses mots qu’il savait toutefois asséner à la cantonade avec la rapidité et le calme d’un rapace des Cévennes.

    Bien que né en 1914, il demeurait en prise avec le monde comme il tourne. Se rendant le cœur allègre pendant plusieurs décennies au congrès de Jarnac avec son ami Pierre Boujut, il participa activement à l’essor de la célèbre revue poétique la Tour de Feu. On lui doit (ainsi qu’à Edmond Humeau) la découverte du remarquable  Adrian Miatlev (1910-1964), né à Moscou en 1910 qui collaborait à la revue Esprit avant la seconde guerre et qui rejoint l’équipée sauvage en 1947. Cette poésie ascétique et révoltée avait su toucher sa carapace apparemment inflexible.

    Professeur de lettres en Avignon, il diffusait sa prose chirurgicale sous des cieux éditoriaux diversifiés tels Le Pont de l’Epée ou Les hommes sans épaules. En passant un séjour à Venise à ses côtés j’avais pu mesurer l’aspect rocailleux et grinçant du personnage, peu enclin aux courbettes et autres conventions sociales, et l’avais perçu comme un individu souverain, désirant préserver ses distances avec l’autre, non par méfiance mais par nécessité vitale d’asseoir sa liberté de poète contemplatif, disséquant par le verbe et l’écriture l’espèce à laquelle il appartenait malgré lui. Désireux de devenir paysan, sa mère s’était opposée à ce désir atavique pour lui imposer le métier d’enseignant qui infiltra toute sa descendance comme une sorte de malédiction fonctionnelle. Enseignant la grammaire, le latin et le grec, il le faisait non comme un sacerdoce mais bien par une sorte d’aliénation pour le coup conventionnelle lui assurant un revenu stable et modeste. Il aspirait à la très grande fuite, aux bois, insectes et rochers et devait inculquer des données caduques à une jeunesse ennuyée. Il s’inventa une dépression pour ne plus subir cet enfermement et se contenta de corriger de chez lui des copies de copies de copies. Sa notoriété poétique lui attira encore des parasitages humains trop humains venant interrompre sa tranquille désertion sociale.

    Il publia notamment Un octogénaire plantait (ed Librairie-galerie Racine, 1998),  Les Sales Bêtes (Ed. Chambelland, 1968) et d’autres opuscules fort précieux qui maintiendront son sillage grammatical.

    Pierre Chabert est-il mort avec une telle apologie aux relents funestes ? Non, pas tout à fait, pas vraiment, mais c’est tout comme. Ses sécrétions organiques comme il pourrait le penser et l’écrire ont opté depuis plus d’une  décennie pour une solution finale à son existence pourtant radicalement rétive aux groupes : le placer dans une structure pour « personnes âgées » du côté de Montfavet, le dépossédant de sa maison tout en lui laissant l’espoir (lors des rares visites)  de la retrouver, maison qui avait une âme et une mémoire et qui a été rasée pour mieux accroître les bénéfices ainsi tirés de cette vile méthode. Ce poète en est réduit à attendre la mort, sans la moindre distraction hormis celle d’écouter ses voisins de couloirs atteints d’Alzheimer  et autres maladies dégénérescentes. Il n’avait besoin que d’une aide à domicile pour les activités basiques liées au quotidien à son entrée (toilette et repas), on en a fait un homme délabré. Il récitait dans le texte des passages interminables de l’antiquité latine, il n’est plus que l ’ombre de lui-même.

    L’enseignement du pécule a triomphé de la poésie.  Cette fois encore.

     

    Extraits d’Un Octogénaire plantait :

    Quelque part quelque chose

    Un octogénaire plantait

    Plantait quoi                                             

    Evidemment la mort

    La mort c’est drôle, mais pas aujourd’hui

    Je tombe malade de mort

    Mais je refuse, je m’obstine à me débattre, ce qui se fait tout seul

    On ne choisit pas

     On refuse de n’être que cela

    Qu’on est

    Tu as manqué le but

    Tout est raté

    Lui disais-je ce jour

    De rentrée

    Alors elle pleura et le lendemain

    Mourut

    Oui mais

    Le petit feu

    Tu aimerais la maison de retraite

    Où l’on te lave, te peigne

    Te laisse radoter,

    Te tutoie

    Le dépôt de moribonds avachis

    Méchants, qui s’insultent

    Se marchent sur les pieds

    Pitié pour moi

    L’euthanasie

    Anastasie !

    Obstrué je m’approche de la nuit

    Obstrué moi le singe poreux

    Mais non stabilisé

    Nuit qui a changé, s’est épaissie

    De monstres déchirants, de mâchoires

    Elle soudain se fait la mort

    J’accepte cette nuit

    Déhanchée en ses minces touches

    Aquatique

    Et je la porte dans la prairie botanique

    Parmi les joncs, les carex

    Je la porte avec la folle

    Qui sur moi s’aveugle

    Qui ailleurs heureusement persiste

    Hybrides jumelées

    Folles filles d’herbier

    Il ne reste qu’un effort pour croire

    Qu’il y a quelque chose à croire

    Donc à dire

    +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

    Car l’amour et la mort n’est qu’une même chose

    Aurez-vous bientôt fini

    Avec votre poésie

    Prénatale

    Mon crime est tel que je

    Ne saurais l’assumer

    Sans quelque biais

    Rhétorique, intrusion ou transposition

    Ma colère n’ose s’avouer dans une exacte vérité

    Visage de la mort

    Souriant et naïf

    Qui emporte tous les vieux

    Quand ils ont tenu, mais aussi les jeunes

    Cette mort-là est la plus affable, car elle porte un visage, elle parle gentiment, elle vous charme, vous fait bander, c’est juste

    Oh la mort au champagne

    La mort dans votre lit

    Vous bronze, vous fait

    Craquer

    De vie, évidemment, de vie en expansion, elle vous choie, vous

    Caresse, vous colle à la peau, oh la mort avec son bronzage, ses épaisses tranches, lèvres, jointures

    Oh les attaches de la pourtant mort qui vous

    Colle à la vie

    Que pouvez-vous dire, redire à tant de petits soins

    Sinon votre avance sordide, votre peau

    La mort a bon dos pour me

    Oui elle a bon dos, et ce visage, et

    Ces fesses mirobolantes, ces lèvres

    Cette histoire à dormir

    Couché, ces petits soins (petits ?)

    La mort prend ce visage et me disculpe

    Car entendez-vous, je

    Suis innocent

    Je le suis et n’en démords

    L’étincelante queue, ni n’éprouve le moindre

    Remords, comprenez-moi

    Je parle de la mort qui me choie avec ses caresses de nourrice

    Avec  ma reconnaissance furieuse, mon

    Irresponsabilité,

    Ce que j’ai pu faire en cette vie, trop courte vraiment, ce que

    Je n’ai pu faire, assurément

    Reste mon crime

     

    Pierre Chabert

     

    Un octogénaire plantait (Librairie-Galerie Racine)

    Arambre (Guy Chambelland)

    Les Sales bêtes (id et éditions Saibnt-Germain-des-Près)

    Les Ontophages ou les ontophages (id)

    Morale du somnambule (id et Le Pont de l’épée)

     

     

    A découvrir, la nouvelle Tour de Feu et si possible se procurer de vieux numéros qui comptent comme par exemple :

    Les Feux de la Tour N° 3 totalement consacrés à Pierre Chabert.  
    Dieu n'est pas avec ceux qui réussissent, La Tour de feu, 1959
    Soleil de miel, avec Pierre Boujut, 1966

     

     

             
             
             
     

     

     

       
             

     

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    COLLECTIF - LES MOTS SAUVES - UN LIVRE POUR VIVRE. Préface de PIERRE CHABERT
    Jarnac, Revue LA TOUR DE FEU N° 95-96, 1967. In 8, broché, 96 pages. Dessin de couverture de LOUIS MESONNIER. Très bon état. ARTAUD Antonin Textes de BRETON, CHAISSAC, Béalu, Boujut, Rousselot, Soupault, Delteil, Tzara, André Masson, Jean-Louis Barrault...

     

    - ANTONIN ARTAUD LA SANTE DES POETES Edition revue et complétée
    Jarnac, Revue LA TOUR DE FEU N° 136, n° consacré à ARTAUD, 1977. In 8, broché, 247 pages. Numéro entièrement consacré à Antonin Artaud. Etat neuf.

     

     


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